Storing WaterCentre des arts actuels Skol, Montréal, 2023
Fog catching is a practice for capturing and transmuting clouds. Fog carries nitrogen for nourishment. It will also carry carbon dioxide.
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For Lynn Margulis, symbiotic relationship is a primary evolutionary force. What this means is that very different sorts of beings formed through species-crossing intimacies. One entity is taken into the body of another entity. An entangled morphology is formed, birthing complex living systems. Margulis notes how animal life began in waste: calcium phosphate exoskeletons, calcium carbonate shells. Over time, waste turned into structural support: Teeth, shields, skeletons.
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When a particle meets its container, turbulence arises. Even if two entities make a nice fit, even if there is great attunement between container and contained, the encounter will generate shifts in both beings. There is no perfect unison without a process of transformation.
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Wilfred Bion pictured mental elements floating between minds, seeking an apparatus to hold them. Travelling particles in search of a container. Thoughts without a thinker.
Untransformed thoughts are “scattered in an immense mental space…”
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A moth’s cocoon is a container in which an organism loses itself, “slowly blending into the general background, its former existence betrayed by some relic…”
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Having one’s head in the clouds is an idiom about being disconnected from reality. Impractical. Fanciful. Fog produces disorientation, confusion. (The now common term ‘brain-fog’ tells us so). Without the clear light of day, we are in danger of losing our moorings.
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Psychic channeling invites us to imagine another sort of praxis, one that works directly with the ineffable. The channel gathers signs from ethereal domains. By bridging physical and non-physical dimensions, through techniques of sensitive attunement, novel types of being are disclosed. Mediums, the spiritual kind, are sometimes called ‘sensitives’ given their heightened capacity to feel beyond the usual sensory channels.
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The fog-basking beetle, who lives in the desert of Southwest Africa, will make use of the ethereal to survive. In her habitat, the fog rolls in at dusk and dawn. Facing the wind and assuming a handstand, she collects the fog through her posterior shell. It drips downward along the troughs of her shell, into her mouth.
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Channeling practices propose the existence of veiled ontologies, hidden worlds in processes of revelation and translation. Plants know this well: Their life depends on capturing particles from the sky to initiate their transformation. Phyto-phenols are abundant in plants, especially in the spring. A plant, in contact with film emulsion (silver halides, the gelatin from bones) filters the sun through its leaves and petals, revealing its interiority.
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Being a sentient vessel for a ghost encounter suggests a temporality where future is interlaced with the present and the past. In this mode of divination, cross-dimensional meetings are meant to alter possible outcomes. Luisia sarsi is a starfish, an echinoderm, whose genome contains parents of more than one species—multispecies morphed within a single egg. A being crawls into a container, utterly changing its arrangement from the inside.
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As gardener and artist, Leyla Majeri works directly with those who mediate between the terrestrial and celestial, and who, by virtue of their holding capacity, transform realities.
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Mentalizing and materializing: in conversation with Leyla MajeriWritten by Katherine Kline
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1. Margulis, Lynn (1938 – 2011), https://www.geo.umass.edu/faculty/margulis/
2. Bion, Wilfred Ruprecht, Second Thoughts : Selected papers on psycho-analysis, London : Heinemann Medical, 1967.
3. Mark Epstein, Thoughts Without a Thinker: Psychotherapy from a Buddhist Perspective, New York : Basic Books, 1995.4. Margulis citant David C. Smith dans Symbiotic Planet: A new look at evolution, New York : Basic Books, 1999.
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La capture du brouillard est une pratique qui permet de récolter et de transmuter les nuages. Le brouillard transporte de l’azote nourricier. Il transporte aussi du dioxyde de carbone.
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Pour Lynn Margulis, la relation symbiotique est une force primordiale de l’évolution. Cela signifie que des êtres très différents se sont formés par le biais d’intimités croisées entre espèces. Une entité s’insinue dans le corps d’une autre entité. Une morphologie enchevêtrée se forge et donne naissance à des systèmes vivants complexes. Margulis note comment la vie animale a débuté au travers de résidus : le phosphate calcique est devenu des exosquelettes, le calcium carbonique des coquillages. Au fil du temps, ces résidus se sont transformés en structures de soutien : des dents, des carapaces, des squelettes.
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Lorsqu’une particule rencontre son récipient, des turbulences apparaissent. Même si les deux entités s’accordent bien, même s’il existe une harmonie entre le contenant et le contenu, la rencontre va générer des changements chez les deux êtres. Il n’y a pas de véritable unisson sans processus de transformation.
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Wilfred Bion imaginait des éléments mentaux flottant entre les esprits, à la recherche d’un appareil pour les contenir. Des particules en quête d’un contenant. Des pensées sans penseur. Des pensées non transformées « éparpillées dans un immense espace mental…»
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Le cocon du papillon de nuit est un contenant dans lequel un organisme se perd, « se fondant lentement dans la toile de fond, son existence antérieure trahit par quelque relique… »
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Avoir la tête dans les nuages exprime le fait d’être déconnecté de la réalité. Irrationnel, fantasque. Le brouillard désoriente, confond. (L’expression « brouillard cérébral » nous le rappelle). Sans la lumière vive du jour, nous risquons de perdre nos amarres et dériver.
*Le channelling spirituel nous invite à imaginer une autre sorte de praxis qui travaille directement avec l’ineffable – en récoltant les signes provenant de domaines éthérés, de nouvelles formes d’existence sont révélées. Les médiums spirituels sont parfois appelés « sensibles » en raison de leur capacité accrue à ressentir au-delà des schémas sensoriels habituels.
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Le scarabée du brouillard vit dans le désert du sud-ouest de l’Afrique et fait appel à l’éthéré pour survivre. Dans son habitat, le brouillard s’installe au crépuscule et à l’aube. Face au vent, elle relève ses pattes arrière et recueille le brouillard sur son postérieure. Le brouillard se transmute en eau qui ruisselle le long des creux de sa carapace vers sa bouche.
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Les pratiques du channeling proposent, par leurs processus de révélation et de translation, l’existence d’ontologies voilées, de mondes cachés. Les plantes le savent bien : leur vie dépend de la capture de particules du ciel pour initier leur transformation. Les phytophénols sont abondants dans les plantes, surtout au printemps. Une plante, au contact d’une émulsion photographique (sels d’argent, gélatine faite d’os et de cartilage), filtre le soleil à travers ses feuilles et ses pétales, révélant son intériorité.
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Être le réceptacle sentient d’un fantôme suggère une temporalité où le futur est entrelacé avec le présent et le passé. À l’intérieur de ce mode divinatoire, les rencontres interdimensionnelles sont appelées à transformer les résultantes possibles. Luisia sarsi est une étoile de mer, un échinoderme, dont le génome contient les parents de plus d’une espèce – des espèces éloignées qui se sont fusionnées à l’intérieur d’un seul œuf. Un être se glisse dans un récipient, dont il modifie complètement l’agencement de l’intérieur.
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À la fois jardinière et artiste, Leyla Majeri travaille au contact d’êtres en médiation entre le terrestre et le céleste, et qui, en vertu de leur capacité de rétention, transforment les réalités.
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Mentalisation et matérialisation : conversation avec Leyla MajeriTexte de Katherine Kline (traduction)
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1. Margulis, Lynn (1938 – 2011), https://www.geo.umass.edu/faculty/margulis/
2. Bion, Wilfred Ruprecht, Second Thoughts : Selected papers on psycho-analysis, London : Heinemann Medical, 1967.
3. Mark Epstein, Thoughts Without a Thinker: Psychotherapy from a Buddhist Perspective, New York : Basic Books, 1995.
4. Margulis citant David C. Smith dans Symbiotic Planet: A new look at evolution, New York : Basic Books, 1999.
L’installation puise parmi les savoirs sur l’eau et la biologie évolutive. Elle retrace les écosystèmes qui se sont forgés en pleine sécheresse en se nourrissant du brouillard. L’exposition rassemble, entre autres, des images sur la métamorphose des insectes réimaginées et peintes par des enfants, en s’inspirant de l’idée que de nouvelles formes de vie puissent émergées par hybridation entre espèces étrangères. Elle présente également une reconstitution du capteur de brouillard (proposé en 1994 par R. S. Schemenauer et P. Cereceda pour mesurer la migration de particules polluantes et récolter l’eau aérienne en milieux arides), accompagnée de contenants en plâtre façonnés à la main. Autres matériaux : tissus, cuves de développement, phytogrammes, fils d’acier, collage (découpures de textes) sur des boyaux d'irrigation, plantes séchées, cocons d'insectes, gouache.
Insect metamorphosis stages illustrated by children, reconstitution of the 'proposed standard fog collector' developed in 1994 by Robert S. Schemenauer and Pilar Cereceda to record the migration of pollutant particles and to harvest aerial water in dry areas, plaster containers molded by hand, fabrics, development trays, phytograms, steel wire, collage (cut-outs of texts) on irrigation hoses, dried plants, praying mantis cocoons, gouache.
Crédit photo : Guy L'Heureux