Leyla Majeri - Anticipating Hypersea

Anticipating Hypersea
OPTICA, centre d'art contemporain, Montréal, 2023


Leyla Majeri présente l’aboutissement de sa recherche effectuée, de septembre 2022 à avril 2023, dans le cadre de la résidence Intersections, résultant d’une entente entre l’École des arts visuels et médiatiques de l’université du Québec à Montréal, le Conseil des arts de Montréal et OPTICA.

La pratique de l’artiste est à la fois installative, sculpturale et touche aussi au film d’animation expérimental. Chez OPTICA, Majeri propose un environnement qui rassemble trois corpus d’œuvres et qui font état de ses recherches, portées sur la déconstruction et la décolonisation d’idées dominantes, en empruntant aux thématiques liées à l’ethnographie de type fictionnel et à la biologie spéculative.

Au cœur de sa pratique, elle considère le jardinage comme une façon « d’appréhender l’objet artistique autrement que par l’entremise d’une seule et même perspective ». Le métissage entre les disciplines lui permet des intrusions dans différents territoires et leur savoir-faire afin de ré-imaginer les normes au sein du monde de l’art et la manière d’appréhender ce qui fait monde. Elle met de l’avant une « approche axée sur une exploration processuelle (et existentielle) où le langage, les gestes, la matière et le lieu sont amenés à être interrogés et renégociés ». 

Le vivant, le végétal, font figure de matière première pour l’artiste. Sont exposés des assemblages hybrides, composés de gourdes et de céramiques. Certaines variétés de gourdes, dénommées aussi calebasses, sont comestibles, mais la plupart ne le sont pas. Elles sont généralement cultivées, non pas pour l’alimentation, mais dans le but de s’en servir comme récipient, ornement ou comme caisse de résonance. Leur dissémination provient de l’activité humaine migratoire et des éléments naturels, principalement l’eau. Majeri modifie leur forme pendant leur croissance à l’aide de structures de céramiques où les gourdes se retrouvent circonscrites.

Ces assemblages hétéroclites véhiculent des idées autour du récipient, de la coévolution et de la mutation. Au cours du processus, Majeri s’est inspirée notamment du concept de l’évolution d'Elizabeth Fisher qui défend l’idée, dans Woman’s Creation: Sexual Evolution and the Shaping of Society(1979), que le premier dispositif culturel a probablement été un récipient, destiné entre autres à contenir les produits de la cueillette.

La notion de sac a été reprise par la romancière et poétesse Ursula K. Le Guin, connue pour son œuvre littéraire à la frontière du réalisme et de la fantaisie. Dans The Carrier Bag Theory of Fiction (1986), l’autrice présente une histoire de la technologie, centrée sur la subsistance collective de la vie. Majeri s’est aussi intéressée aux écrits de Lynn Margulis, biologiste de l’évolution, qui a été considérée radicale à l’époque par ses paires, en démontrant comment la coopération est une force primaire dans l’évolution de la vie. Ses idées étaient centrées sur la symbiose d’une multitude d’organismes, célébrant la pluralité plutôt que l’individu.

Une série de phytogrammes, technique d’impression sur papier photosensible, produite à partir de la chimie des plantes, représente des formes organiques et fantaisistes, amalgamées avec des tissus, des images tirées de magazines, des légumes et des semences. Ces phytogrammes sont réalisés sans caméra, en utilisant le soleil comme source d’exposition des images. Au contact de l'émulsion, les plantes libèrent leurs propres phénols qui jouent le rôle de révélateur.

Un disque vinyle, un 45 tours gravé à partir d’un procédé artisanal, diffuse en galerie des extraits sonores d’un script performé par des enfants. Le tout prend la forme d’une composition non linéaire et théâtrale.
Comme le soutient Majeri, « ces nouvelles installations continueront [de soulever] et de remanier – via les plantes, la sculpture, l’image et l’objet documentaire – des questionnements liés aux formes de savoirs : ce qu’elles rendent visibles ou invisibles de façon arbitraire, ce qu’elles créent comme imaginaire du vivant ». - Texte de Esther Bourdages 

Remerciements : Véronique Proulx, Alexis Lepage, Mathieu Jacques, Janie Julien-Fort et Jean Talbot pour leur générosité, ainsi que Victor et Suzanne Pinksen, Emmanuelle Jacques, le Conseil des arts et des lettres du Québec, OPTICA et la résidence Intersections, Mylène Dupont, Stéphane Beaulieu et Édouard Larocque.


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Leyla Majeri presents the culmination of the research she conducted, from September 2022 to April 2023, as part of the Intersections Residency, established by an agreement between the École des arts visuels et médiatiques at Université du Québec à Montréal, the Conseil des arts de Montréal, and OPTICA.

The artist’s installational and sculptural practice also touches experimental animated film. At OPTICA, Majeri is proposing an environment that brings together three bodies of work that showcase her research on the deconstruction and decolonization of prevailing ideas, borrowing themes associated with a kind of fictional ethnography and speculative biology.

At the heart of her practice, she considers gardening a way “of apprehending the art object other than through a single perspective.” The intermixing of disciplines allows her to engage various fields and their know-how in order to re-imagine the norms of the art world and ways of apprehending that which makes up the world. She puts forward an “approach based on an exploratory (and existential) process in which language, gestures, matter, and place are interrogated and renegotiated.”

Plants and living things are the artist’s raw material. The exhibited hybrid assemblages are composed of gourds and ceramics. While some varieties of gourds, also called calabashes, are edible, most are not. They are generally cultivated not as food, but to serve as a recipient, an ornament, or a sound box. Their dissemination is the outcome of human migratory activity and natural elements, mainly water. Majeri alters their shape as they grow using ceramic structures to enclose the plant.

These heterogeneous assemblages convey ideas revolving around receptacles, coevolution, and mutation. In the process, Majeri drew inspiration, in particular, from the concept of evolution in Elizabeth Fisher’s Woman’s Creation: Sexual Evolution and the Shaping of Society (1979), which advances the idea that the first cultural device was likely a recipient for carrying gathered products, among other things.

This notion of a bag was taken up by novelist and poet Ursula K. Le Guin, known for a literary production on the frontier between realism and fantasy. In The Carrier Bag Theory of Fiction (1986), Le Guin presents a history of technology centred on the collective sustenance of life. Majeri also took an interest in the writings of evolutionary biologist Lynn Margulis, once considered radical by her peers for showing how cooperation is a primary force in the evolution of life. Her ideas revolved around the symbiosis of a multitude of organisms, celebrating plurality rather than the individual.

A series of phytograms, a technique of printing on photosensitive paper produced from the chemistry of plants, represents organic and fantastical forms composed of fabric, magazine photos, vegetables, and seeds. These phytograms are produced without a camera, using sunlight for exposure. On contact with the emulsion, the plants release their own phenols, which act as a developer.

In the gallery, a 45-rpm vinyl record engraved using an artisanal process, disseminates sound excerpts from a script performed by children. It all takes the form of a non-linear and theatrical composition.

Majeri maintains that, “using plants, sculpture, images, and documentary objets, these new installations will continue [to raise] and to re-articulate interrogations related to forms of knowledge: what they arbitrarily make visible or invisible, what they create as the imagination of the living.” - Text by Esther Bourdages (translated)

Crédit photo : Paul Litherland


Courges, grès, phytogrammes, enregistrement gravé sur disque vinyle, table tournante, semences, sac agricole de terre, objets trouvés
Gourds, ceramic, phytograms, recording on lathe cut vinyl, turntable, seeds, agricultural soil bag, found objects


































  



Lathe :     Side A
                Side B  

 SCRIPT  

    3 fois clochettes  

 

V : Come whole ! (Venez entier!)

      Come whole ! (Venez entier!)

      Come whole ! (Venez entier!)

 

S :  Come whole ! (Venez entier!)

      Come whole ! (Venez entier!)

      Come whole ! (Venez entier!)


V : Come whole ! (Venez entier!)

S :  Come whole ! (Venez entier!)


V & S : Inside our gigantic stomach (À l'intérieur de notre estomac géant)


V : Bats (Chauve-souris)

      Snails (escargots)

      Aphids (pucerons)

      and Slugs (et limaces)


V : Our reach is not limited by lines on a map (Notre étendue ne se limite aux lignes d'une carte)


V : So who makes these borders to whom do they serve ? (Alors qui fabrique ces frontières ? À qui servent-elles ?)


S : Despite all your tricks and schemes, we have our own ways of traveling (Malgré vos stratagèmes, nous possédons nos propres façons de voyager)

     

     Come whole (Venez entier)

     Come whole (Venez entier)

     Come whole (Venez entier)


V : There’s no fortresses inside our belly (Il n'y a pas de forteresse dans nos ventres)

S : regardless of what you were taught to believe (peu importe ce qu'on vous a appris à croire)


S : there are no fortresses inside our belly ! (Il n'y a pas de forteresse dans nos ventres)


 V et S : We are children of Archaea (Nous sommes les enfants des Archaea)


S : Our bones are made from waste (Nos os se sont formés à partir de débris)


V & S : Cercles, carrés, ruines et sel (circles, squares, ruins and salt)

     nous nous nourrissons de désastres et de destructions depuis le début des temps (we've been feeding on disaster and destruction since the beginning of time)


S : We’ve learn to grow gardens out of our stomach (Nous avons appris à faire des jardins de nos trippes)

V, S & L : Our tiny lives fly, float, creeps, sleeps on a seed on moss to rot  (Nos vies minuscules volent, flottent, rampent, dorment sur des graines, sur de la mousse qui pourrit)

V : Come whole ! (venez entier!)

      Come whole ! (venez entier!)

      Come whole ! (venez entier!)

      Our eggs hold many origins (Nos œufs contiennent une multitude d’origines)


S : Si tu ne te souviens pas invente! (If you don't remember, invent!)

V & S : Terre boule de neige (Snowball earth)


V & S : It’s us eating us ! (C'est nous qui nous mangeons !)

It’s all of us ! (c'est nous tous!) 

S : Leave something here, and it may become something else (Laisse quelque chose ici, et elle pourra devenir autre chose)


V : Come whole, come whole, come whole ! (Venez entier, venez entier, venez entier !)


S : Inside our gigantic stomach (À l'intérieur de notre gigantesque estomac)  

     3 fois clochettes

     6 fois clochettes

S : Why do I get so sensitive ? (Pourquoi deviens-je si sensible ?)

     Where does it come from ? (D'où cela vient -il ?)


V :from Earth’s interior out into space (...de l'intérieur de la terre jusque dans l'espace)


V : there was never anything wrong with you (il n'y a jamais eu quoi que ce soit de mal en toi)


V & S : despite what you were taught to believe (malgré ce qu'on t'a appris à croire)

     2 fois clochettes


hi